Préjudice d’affection ? Dans un cas de dommage corporel, le droit se concentre naturellement sur la victime directe. Celle qui a subi l’accident ou l’agression.
Or, les proches de cette victime peuvent êtres eux aussi très impactés par les conséquences. Le décès de la victime ou son état de santé très dégradé peuvent peser très lourd moralement. Époux, épouse ou concubin(e), enfants, partenaires de vie, ils sont parfois eux-mêmes affectés moralement. C’est ce que le préjudice d’affection doit indemniser.
Le problème, c’est qu’il est délicat de mettre un prix sur le chagrin des familles. D’une part, les proches n’osent pas toujours défendre eux-mêmes leur droit à des indemnités au titre d’une souffrance morale. D’autre part, comme il s’agit d’un poste subjectif, il est difficile de justifier le montant des réparations.
De plus, les compagnies d’assurances (ou le régleur) ont tendance à rester discrètes sur ce poste de préjudice. Mais ce n’est pas parce qu’on ne vous en parle pas que vous n’y avez pas droit.
Qu’est-ce que le préjudice d’affection ?
Le préjudice d’affection fait partie de la nomenclature Dintilhac. Soit une case sur une liste de postes de préjudices créée en 2006 pour baliser la procédure d’indemnisation des victimes de dommages corporels.
La jurisprudence le définit comme celui qui « répare le préjudice subi par les proches à la suite du décès de la victime directe et notamment le retentissement pathologique avéré qu’il a pu entraîner ». Le droit reconnaît ainsi la souffrance des familles de victimes.
On parle bien alors d’indemniser une souffrance morale. Cela le distingue des préjudices patrimoniaux (frais d’obsèques, pertes de revenus liées à un arrêt de travail, frais divers des proches, etc.). Il se distingue également du préjudice d’accompagnement, qui se concentre sur la période d’accompagnement de la victime jusqu’à son décès (et le traumatisme que cela peut générer chez le survivant).
Qui concerne le préjudice d’affection ?
Si une victime d’accident ou d’agression décède des suites de ses dommages corporels, ses parents proches sont indemnisés, de façon presque systématique. Père et mère, mari ou femme, jeunes enfants, ils sont généralement reconnus comme victimes indirectes et indemnisés.
La jurisprudence précise tout de même que, lorsqu’il est possible de prouver un lien affectif étroit et réel avec la victime, des proches sans lien de parentés peuvent être reconnus eux aussi victimes indirectes. Une cour d’appel aura tendance à reconnaître une demande qui va au-delà du seul sentiment de tristesse ou de perte. (On prendra plutôt en considération un colocataire de longue date qu’un jeune cousin ou un employeur, par exemple).
Victime handicapée : pas de préjudice moral ou d’affection ?
Dans les faits, les proches d’une victime de dommages corporels peuvent être indemnisés même si la victime n’est pas décédée.
C’est notamment le cas pour des victimes qui subissent un handicap lourd. En effet, le droit reconnaît également la souffrance morale des familles face à la déchéance physique et/ou psychique d’un(e) proche.
Il est difficile voire douloureux pour les proches de voir une personne diminuée. Se retrouver en fauteuil roulant, perdre son autonomie, ne plus pouvoir exercer une activité qui le ou la passionnait, voir sa personnalité diminuée voire effacée… Et surtout, voir cette personne souffrir elle-même de sa propre condition. Tout cela compte dans le droit du dommage corporel.
Le préjudice d’affection peut donc bien être invoqué pour indemniser les familles d’une victime lourdement handicapée.
Comment valoriser le « prix des larmes » ?
La souffrance des proches est délicate à indemniser. De la perte d’un frère ou d’une fille à une vie en concubinage avec un mari amputé de plusieurs membres, comment peut-on mettre un prix sur la douleur morale ?
La difficulté est multiple pour les familles. Dans le deuil ou non, il peut être long et pénible de se battre pour faire reconnaître une souffrance morale. Un dossier qui remonte au civil jusqu’en cour d’appel voire de cassation peut prendre des années. Or, sans l’appui d’un avocat, il est très rare que les familles mènent cette bataille jusqu’au bout.
Par ailleurs, l’intervention d’un spécialiste du dommage corporel peut aider les proches à mettre un prix sur leurs larmes. C’est cet avocat qui peut avoir le recul et l’écoute nécessaires pour défendre leur chagrin devant un tribunal.
En effet, le préjudice d’affection (ou préjudice moral) est presque systématiquement indemnisé à la baisse par les assureurs. Pour obtenir de justes réparations, il faudra très probablement mener le dossier d’indemnisation devant un juge.
Si vous êtes vous-même un(e) proche dans cette situation, faites-vous aider. N’hésitez pas à demander conseil à Me. Hadrien Muller.