Des questions orientées
Dans le cabinet d’un médecin expert mandaté par une compagnie d’assurance, la victime d’un dommage corporel répond à tout un tas de questions…
Seulement voilà. Ces questions sont parfois orientées. D’autres oubliées.
Rien de mieux que ce moment « d’expertise » pour contourner certains problèmes ou répercussions dont la victime n’a pas conscience sur l’instant, et limiter ainsi pour l’assureur le montant de l’indemnisation.
Cela risque-t-il de vous arriver ?
Pour ce client de Maître Hadrien Muller, l’expertise médicale avait ignoré de sérieuses questions.
Voilà ce qu’il aurait dû s’entendre demander lors des examens médicaux.
Et voilà comment la contestation de l’indemnisation dommage corporel proposée par l’assurance a pu être effectuée.
Etape essentielle dans le parcours
L’expertise médicale est essentielle dans le parcours d’indemnisation.
C’est sous le contrôle d’un médecin que l’on peut évaluer les dommages subis par une victime de préjudice corporel. Accident de la route, grave accident de travail, accident de la vie, erreur médicale, ces dommages ne laissent pas tous forcément de traces visibles à court terme. Et c’est justement le rôle du médecin expert que d’analyser et observer toutes les répercussions sur le quotidien de la victime. En théorie.
Or, toute consultation médicale est parfaitement subjective. Si dix médecins examinaient chacun à leur tour la même personne, aucun des dix diagnostics ne dirait la même chose. Et dans le cas de ce client de Maître Muller, le médecin mandaté par l’assureur a fait preuve d’une subjectivité largement en faveur… de l’assureur.
Ce qu’a dit le médecin
Le jour de son examen pour l’expertise médicale, ce motard se rend dans le bureau du médecin, et ce, à l’invitation de l’assureur adverse (l’assureur du responsable de l’accident). Longtemps après son accident de moto, cet accidenté souffre alors encore de nombreuses séquelles.
Comme pour toute consultation de ce type, il obéit à l’inspection du médecin.
Lever les bras, respirer, tousser, plier le genou au maximum pendant que l’expert note l’angle auquel il se plie désormais, etc.
Et il répond, en toute bonne foi, à la question classique : « expliquez-moi ce qui ne va pas ».
C’est ainsi que l’interrogatoire mené par le médecin de l’assureur lui paraît sur le moment très complet. En réalité, il évite, par cette simple question, le cœur du sujet.
Prise de note et grille toute prête
Durant tout cet entretien (qui peut varier en longueur), le médecin prend des notes, remplissant une grille apparemment complète sur l’état de santé de la victime.
Un barème qui détaille les catégories pour tous les domaines du corps humain (orthopédie, cardiologie, neurologie…), et mesure le taux d’incapacité.
Si la hanche bouge mal, on lui attribue un certain pourcentage ; le préjudice esthétique est noté sur une échelle de 0 à 7, les gênes temporaires en pourcentage, etc.
Le reste de son barème dépend ensuite de sa façon de mener l’entretien. L’incidence professionnelle ou le préjudice d’agrément (la victime peut-elle encore pratiquer un sport ? Pratiquait-elle beaucoup auparavant ?). Le préjudice d’établissement (peut-elle encore fonder une famille ?). Tout cela se mesure en fonction des réponses de la victime.
En théorie, là encore. Les réponses dépendent en effet terriblement … de la façon dont a été posée la question.
Ainsi, dans le cas de ce motard, le médecin lui a-t-il demandé « s’il pensait pouvoir travailler ».
Avec ses sensations de décharges électriques dans le bras et son corps fragilisé, la médecine du travail l’avait déjà examiné et déclaré inapte.
Son travail reposait pour beaucoup sur le transport de charges lourdes. Impossible pour lui de recommencer à porter, ni même de faire d’efforts physiques. Aux yeux du médecin de l’assureur, toutefois, il en allait autrement. Pour lui, l’arrêt de travail n’était pas imputable à son accident. Ses séquelles ne semblaient pas justifier son incapacité à travailler.
La question avait été posée de façon suffisamment floue (de quel travail parlait le médecin ?). Ainsi le médecin pouvait réinterpréter la situation sous l’angle qui arrangeait au mieux l’assureur. Ceci lui permet même d’aller jusqu’à contredire son confrère de la médecine du travail !
Ces critères, définis par la nomenclature Dintilhac, sont ensuite compilés et renvoyés à la compagnie d’assurance qui doit les chiffrer.
Ce qu’a dit l’assureur
En recevant ce rapport d’expertise, l’assureur a appliqué son chiffrage et proposé une indemnisation à ce motard, en compensation de toutes ses séquelles. Là encore, un biais de subjectivité se glisse facilement. Aucune loi ne fixe de barème pour le montant de l’indemnisation des victimes.
En effet, sortir d’un accident de la circulation avec 25% de séquelles à 19 ou à 50 ans n’aura pas la même incidence sur la vie d’une victime. Ce qui veut dire : pas les mêmes besoins d’indemnités. La situation de la victime compte autant que ce qu’a déjà pu définir la jurisprudence dans un cas similaire.
Dans le cas du motard, son assureur lui a proposé une indemnisation de 14 000€ (après déduction de sa rente d’accident du travail) !
En arguant que c’était un montant normal compte-tenu de la nomenclature Dintilhac. Et du rapport d’expertise rempli par le médecin sur lequel l’assurance a ensuite mis des euros.
Argument infondé : ce barème n’a aucune valeur en soi.
Voilà le motard embarrassé, car il sent qu’on ne reconnaît pas à sa juste valeur sa souffrance et le bouleversement de ses projets de vie. C’est pour cela qu’il est allé consulter un avocat spécialiste, et qu’il est tombé des nues quand on lui a dit ce qu’il aurait dû entendre…
Ce qu’aurait dû lui demander le médecin
Le premier réflexe de l’avocat spécialisé en dommages corporel a été de réexaminer le dossier médical de la victime et l’expertise qu’a mise en place l’assureur. Dans le cas de ce motard, comme dans bien des cas, cette expertise lui est apparue très sous-évaluée.
Aussi, après une demande en référé et la désignation par un tribunal d’un médecin expert indépendant, et l’assistance par un médecin conseil, l’avocat a-t-il obtenu une révision de la situation médico-légale de son client.
Lors de cette nouvelle consultation, l’avocat a pu jouer son rôle de défense de la victime, en posant les questions qui avaient été savamment laissées de côté. Ce sont elles qui ont fait toute la différence.
En effet, lorsque le médecin demande au blessé d’expliquer ce qui ne va pas selon lui, il est difficile pour la victime d’évaluer ce qu’il doit dire pour avoir un rapport juste. Comment savoir ce qui regarde le médecin ou non ? C’est là qu’intervient l’avocat.
En entrant dans les détails du quotidien, pour mettre en lumière tout ce que l’accident a modifié dans la vie de son client.
Peut-il porter un sac de courses ? Passer l’aspirateur ? Laver ses carreaux ?
Le médecin, lui, aura tendance à considérer que oui, tant que la victime peut lever le bras quelques secondes et semble supporter ces minces efforts.
En insistant sur ces questions en apparence éloignées d’un examen médical, son avocat a pu faire valoir la nécessité d’une tierce personne. Autrement dit, une aide de plusieurs heures par semaine qui devait entrer dans le montant de l’indemnisation.
Démonstration
Il a également pu démontrer à l’expert mandaté par le tribunal que l’intéressé n’avait pas été en mesure de reprendre son emploi, ce qui a finalement été intégralement retenu.
C’est là que tout s’est joué. Pour ce motard, l’examen était médicalement juste, mais incomplet. En ne posant volontairement pas de question sur sa vie courante, le médecin a évité de faire entrer ce critère dans la liste des dédommagements.
Ceci est un exemple, une étude de cas.
Quantité d’autres questions peuvent ainsi être « oubliées » dans votre cas particulier.
Tout dépendra de votre situation, de l’accident, du type de dommage corporel, etc.
A retenir
Une seule loi reste à retenir : un entretien, même médical, n’est pas neutre.
Seul un avocat spécialiste de ce type de sujet est capable de décoder les sous-entendus éventuels d’une question posée et surtout ceux des questions oubliées.
Ainsi dans ce cas, mon client a ainsi pu contester l’offre de la compagnie d’assurance, et obtenir une réparation à hauteur de ses besoins. Il a été indemnisé bien au-delà de ce qu’on lui avait garanti (lire la totalité de l’histoire et le montant de l’indemnisation finale obtenu ici)
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