Aujourd’hui, si vous vous faites renverser par une trottinette à moteur électrique sur la voie publique, en France, c’est comme si vous aviez été percuté par un véhicule fantôme. En effet, comme elles sont apparues récemment, elles n’apparaissent pas dans la loi… Et donc pas non plus dans les prévisions des assurances. Résultat : pour vous faire indemniser en cas d’accident corporel, c’est un peu mission impossible. Mais avec la loi « Mobilité » de septembre 2019, les choses changent.
La trottinette à moteur électrique : véhicule fantôme
Une trottinette électrique, c’est un petit véhicule à moteur. Or, si la réglementation prévoit qu’elles soient bridées au-dessous de 25km/h, c’est aujourd’hui le seul véhicule qui n’entre dans aucune loi de conformité. Une voiture, un scooter, une camionnette, un autocar ou un tracteur sont tous soumis à des contrôles stricts pour pouvoir circuler sur les routes françaises : épaisseur des pneus, normes de freins, taille des rétroviseurs, etc. Et la trottinette électrique, pour l’instant, n’entre dans aucune catégorie de véhicule, elle échappe donc à la loi.
Comme elle échappe à la loi, il n’existe aucun moyen légal de s’assurer que le véhicule est bien en conformité avec un quelconque règlement… et donc d’assurer simplement le véhicule comme il se doit.
C’est ce qui fait de ces trottinettes un paradoxe dangereux pour leurs conducteurs : elles sont un véhicule à moteur, mais sans assurance. Résultat, dans les cas d’accidents avec dommages corporels, le parcours d’indemnisation peut s’avérer au moins aussi douloureux. Malgré la loi Badinter, il peut être très difficile pour un accidenté d’obtenir les justes indemnisations de son dommage corporel, quand c’est une trottinette électrique qui le lui a causé…
Avant la loi : si la victime est piétonne
Pour l’instant, les trottinettes électriques sont déjà supposées circuler hors des trottoirs (pistes cyclables et routes au-dessous de la limitation de vitesse de 80 km/h). Mais certains conducteurs ne respectent pas cette obligation, et prennent le risque d’une collision avec un piéton à tout instant. Un choc frontal sur le trottoir peut entraîner de sérieuses blessures, même à faible vitesse.
Dans le cas où le conducteur du véhicule renverse un piéton, que ce soit sur la route ou sur le trottoir, c’est généralement le piéton qui est victime. Il sera indemnisé (à moins qu’il puisse être prouvé qu’il a commis une faute inexcusable). Oui mais, si le véhicule à moteur n’est pas assuré, la victime va devoir lutter pour se faire indemniser par la suite (voir aussi cet autre article : victime d’un accident de trottinette : ne perdez pas de temps pour réagir).
La procédure, dans ce cas-là, passe par le rapport de police. La police doit d’abord venir sur le lieu de l’accident et constater les circonstances. Elle auditionne les éventuels témoins, note les lésions corporelles, établit des schémas pour son rapport, recourt à la vidéosurveillance s’il en existait une dans la rue, etc. Démarre ainsi une enquête de police. Une fois terminé ce rapport, il est transmis au procureur de la République. Et là, c’est normalement l’assureur qui le récupère, via une plateforme spécialisée.
Rapport de police
En l’absence d’assureur, c’est à la victime de se démener pour l’obtenir. Et cela peut prendre un long moment, car il faut en faire la demande auprès du procureur, donc du tribunal. Le procureur doit prendre une décision sur la suites pénales du dossier (par exemple, classement sans suite, ou renvoi du responsable devant le tribunal correctionnel). La victime sera ensuite indemnisée par le Fonds de garantie, en prouvant que le véhicule n’est pas assuré.
Cette situation est aussi valable pour les cyclistes et tous les usagers de la voie publique qui n’utilisent pas de véhicule à moteur. Situation parfois complexe, car le conducteur d’une trottinette électrique et le cycliste peuvent parfaitement rouler à la même allure et dans le respect des limitations de vitesse, mais le cycliste sera indemnisé en cas d’accident beaucoup plus facilement que le conducteur d’une trottinette électrique.
Avant la loi : si la victime est conductrice de trottinette électrique
L’autre cas de figure possible, c’est que le conducteur de la trottinette soit victime lui-même d’un accident de la route (carambolage, chauffard en excès de vitesse, non respect d’un feu rouge…).
Aujourd’hui, les compagnies d’assurances vous couvrent pour votre véhicule lorsqu’il répond à des normes (votre voiture, par exemple), et lorsque vous êtes en train de l’utiliser. De l’autre côté, la plupart des assurances habitation incluent aussi votre responsabilité civile (au cas où vous feriez tomber un pot de fleurs par inadvertance de votre balcon, que vous bousculiez quelqu’un dans la rue, ou que votre chien morde un tiers, par exemple).
Mais les assureurs ne couvrent presque jamais cet espace de flou qu’occupe aujourd’hui la trottinette à moteur électrique. Aussi, en cas d’accident, et même si le chauffeur d’en face est généralement assuré avec sa voiture, la victime en trottinette ne l’est pas, elle. Elle est donc toute seule pour se représenter.
C’est donc, là aussi, un drôle de parcours du combattant qui s’engage et qui a pour seule arme le rapport de police. Non plus pour prouver que le conducteur de trottinette n’est pas assuré, mais pour prouver qu’il n’est pas en tort dans les circonstances de l’accident. Comme tout conducteur de véhicule terrestre à moteur, le conducteur de la trottinette électrique va devoir démontrer qu’il n’est pas responsable de l’accident s’il veut être indemnisé.
Ce qui change avec la loi « Mobilités »
Le danger, aujourd’hui, c’est qu’en circulant en trottinette électrique, le conducteur n’est pas du tout assuré.
La loi va faire entrer cette trottinette dans une catégorie bien définie et normée de véhicules à moteurs. Et dès septembre, les compagnies d’assurances pourront entrer dans la course aux contrats pour vous proposer une couverture en cas d’accident.
Les trottinettes entreront dans le Code de la Route et toute collision sera considérée comme accident de la route. Il sera rappelé que les conducteurs de trottinette électrique ne pourront pas circuler sur les trottoirs.
Tant que la loi n’est pas entrée en vigueur, à chaque fois que vous enfourchez votre trottinette à moteur, vous prenez le risque (à moins d’avoir vérifié que votre compagnie d’assurance vous couvre) de payer plein pot si vous êtes la cause de l’accident. Le Fonds de Garantie indemnisera la victime, avant de se retourner contre vous pour vous réclamer le remboursement.
Après son entrée en vigueur, ce problème n’aura pas disparu, mais il devrait enfin apparaître une offre d’assurances pour l’indemnisation des victimes. Il sera alors de votre responsabilité de trouver une assurance pour votre trottinette (ou de vérifier que votre assurance habitation vous couvre).
Pour obtenir de l’aide dans votre parcours d’indemnisation, contactez-moi.