Les victimes de préjudice corporel, lorsque leur droit à indemnisation est reconnu en droit commun, sont toutes indemnisées sur les bases de la nomenclature « Dintilhac » de 2006, quelle que soit l’origine de l’accident.
Cette nomenclature, qui n’est pas obligatoire pour les magistrats, est néanmoins appliquée de manière générale par tous les tribunaux à l’heure actuelle. Elle reprend pour l’essentiel les postes de préjudice qui étaient déjà reconnus par la jurisprudence antérieure, avec quelques modifications.
Concernant les montants des indemnisations, ils varient d’un tribunal à l’autre, parfois de manière conséquente (par exemple, le TGI de Paris est l’un des plus généreux, notamment parce qu’il dispose d’une chambre spécialisée). D’une manière générale, les tribunaux de l’ordre judiciaire sont plus généreux que ceux de l’ordre administratif, qui interviennent en cas de différend avec l’Etat (notamment lorsque le dommage a eu lieu dans un hôpital public). Une victime d’un accident médical ou d’une infection nosocomiale ne sera donc pas indemnisée de la même manière suivant que l’acte médical a eu lieu en clinique privée ou en centre hospitalier public, les sommes seront généralement supérieures dans le premier cas.
L’objectif essentiel est d’indemniser chaque facette de la vie de la victime en tenant compte, dans la mesure du possible, de tout ce qu’elle subit au quotidien, pour obtenir les montants d’indemnisation les plus élevés.
Deux catégories de postes de préjudice ont été identifiées: les postes de préjudice temporaire et les postes de préjudices permanents. L’instant qui les sépare est la consolidation de l’état de santé de la victime (qui fera l’objet d’un article spécifique), on parle alors de séquelles non susceptibles d’évolution.
D’une manière générale, les montants de l’indemnisation sont spécifiques à chaque victime. Les montants sont donc très variables d’une victime à une autre en fonction de son handicap, de son âge, de sa situation particulière. Néanmoins, les tribunaux ont des fourchettes d’indemnisation pour les préjudices faisant l’objet d’une cotation par le rapport d’expertise.
Les préjudices à caractère temporaire sont les suivants :
- Dépenses de santé actuelles (médicaments, hospitalisations, consultations…)
- Frais divers (frais de déplacements, d’hôtellerie…)
- Assistance par tierce personne temporaire (lorsque la victime a eu besoin d’aide pendant sa convalescence)
- Pertes de gains professionnels actuels (les revenus que la victime n’a pas pu percevoir parce qu’elle était en arrêt de travail)
- Déficit fonctionnel temporaire (gênes pendant la convalescence)
- Préjudice esthétique temporaire (de 0,5 à 7/7; montants très variables et généralement peu élevés)
- Souffrances endurées (de 0,5 à 7/7, pouvant aller de quelques centaines d’euros pour 0,5/7 à plusieurs dizaines de milliers d’euros)
Les préjudices à caractère permanent sont les suivants :
- Dépenses de santé futures (avance sur les médicaments, hospitalisations, consultations…à prévoir après la consolidation)
- Frais de logement adapté (le handicap d’une victime peut nécessiter l’aménagement de son domicile qui sera indemnisé)
- Frais de véhicule adapté (aménagement d’un véhicule en fonction du handicap; par exemple: boite automatique, pédales inversées)
- Assistance par tierce personne future (lorsque la victime a besoin d’une assistance après la consolidation de ses blessures)
- Perte de gains professionnels futurs (par exemple, lorsque la victime a perdu son travail du fait de son handicap)
- Incidence professionnelle (il s’agit d’indemniser la pénibilité et la dévalorisation au travail, ou la perte d’une chance professionnelle; les montants peuvent être conséquents et sont fonction du métier, des séquelles, de l’âge de la victime et du nombre d’années lui restant à effectuer avant l’âge de la retraite)
- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (indemnisation du fait d’avoir dû redoubler une ou plusieurs années scolaires, ou de la perte de chance de pouvoir entreprendre des études)
- Déficit fonctionnel permanent (de 0 à 99%, chaque point étant indemnisé en fonction de l’âge de la victime et du handicap)
- Préjudice esthétique permanent (de 0,5 à 7/7, indemnisé de manière généralement équivalente aux souffrances endurées)
- Préjudice d’agrément (incapacité de la victime à pratiquer des activités de loisir ou de sport qu’elle pratiquait avant l’accident)
- Préjudice sexuel (indemnisation de la gêne ou de l’impossibilité des relations sexuelles ou de procréation, en fonction notamment du handicap et de l’âge de la victime)
- Préjudice d’établissement (indemnisation de la perte de chance de pouvoir fonder une famille dans des conditions normales)
- Préjudice de contamination (indemnisation du fait de présenter des maladies incurables telles que le VIH ou liées à l’amiante)
- Préjudices permanents exceptionnels (pour les préjudices atypiques n’entrant pas dans une des autres catégories)
Les victimes indirectes peuvent également subir des préjudices qui sont indemnisables.
En cas de décès de la victime directe :
- Frais d’obsèques
- Préjudice économique lié au décès (calcul de l’impact économique lié à la perte de revenu du proche)
- Frais divers des proches
- Préjudice d’accompagnement (indemnisation de la victime indirecte qui a accompagné le défunt dans les suites de l’accident)
- Préjudice d’affection (indemnisation du préjudice de la victime indirecte du fait de l’absence du proche décédé)
En cas de survie de la victime directe :
- Perte de revenus des proches (hypothèse dans laquelle la victime indirecte a dû s’absenter voir quitter son travail pour prendre soin de la victime directe)
- Frais divers des proches
- Préjudice d’affection (indemnisation du préjudice de la victime indirecte qu’elle subit du fait de l’état de handicap du proche)
- Préjudices exceptionnels (pour les préjudices atypiques n’entrant pas dans une des autres catégories)
Certains des postes de préjudice évoqués feront l’objet d’articles spécifiques.
L’indemnisation finale d’une victime est donc extrêmement variable surtout en ce qui concerne les délais de consolidation et indemnisation. Celle qui ne présente aucune séquelle ne pourra prétendre qu’à quelques milliers d’euros, alors que celle qui subit de graves préjudices pourra prétendre à plusieurs centaines de milliers d’euros pour certains postes de préjudice tels que le préjudice professionnel. Il n’est pas rare que l’indemnisation se compte en millions d’euros lorsque le préjudice professionnel est important, ou lorsqu’une assistance par tierce personne quotidienne viagère est retenue.