Entre la crise post-pandémie et la guerre en Ukraine, le coût de la vie a augmenté pour tout le monde. Les prix de l’essence, de l’électricité, du gaz, de l’alimentaire flambent et rendent la vie des Français difficile.
À cette inquiétude s’en ajoute une autre : victime de dommage corporel en pleine procédure d’indemnisation, allez-vous recevoir suffisamment pour compenser cette inflation ? Risquez-vous d’y perdre davantage à cause de la situation économique ? Voici les réponses de votre avocat spécialisé dans le droit du dommage corporel.
Le coût de la vie est-il pris en compte dans les calculs d’indemnisation ?
L’indemnisation du dommage corporel propose une réparation à la victime, en fonction des postes de préjudices qui ont été retenus après son expertise médicale. Devant l’assurance ensuite, ou devant un tribunal, chaque poste de dépense doit être justifié. Or, l’inflation ne fait pas partie des préjudices reconnus.
Il n’existe pas de barèmes légaux ou réglementaires pour l’évaluation du dommage corporel. « L’indemnisation est décidée par des tribunaux au cas par cas », précise Me Hadrien Muller.
Les tribunaux ne font donc pas état de l’inflation pour déterminer le montant des indemnités qu’ils vont verser. Mais si ce n’est pas un critère en soi, l’évolution du coût de la vie a tout de même une influence sur le montant final. On constate souvent qu’après des années d’inflation, les indemnités allouées se sont alignées sur la réalité des prix actualisés.
Votre inquiétude au démarrage de la procédure…
… est tout-à-fait compréhensible. Victime d’accident corporel ou d’agression, vous avez subi un choc traumatique et vous entamez en plus une procédure d’indemnisation qui peut être longue (plusieurs années en allant jusqu’en cours d’appel). Si à cela vient s’ajouter une inflation brutale, il est normal que vous soyez inquiet(e).
Au printemps 2022, les prix commencent à grimper et personne ne peut prédire où cela s’arrêtera. Logiquement, vous vous demandez : « et si les prix ont triplé d’ici à ce qu’on me propose des indemnités ? ». Vous avez désormais besoin de vous faire accompagner en véhicule, d’être conduit(e), va-t-on prendre en compte les nouveaux prix de l’essence dans l’offre qui vous sera faite ?
C’est là qu’intervient un avocat spécialisé dans le droit du dommage corporel. Sa stratégie « sera de proposer des indemnités au juge légèrement supérieures à ce qu’il obtiendrait normalement, ce qui va laisser de la marge au juge au moment de prendre sa décision, pour verser peut-être un peu plus en tenant compte de l’inflation qui a pu avoir lieu entretemps. »
C’est pourquoi il est essentiel de vous faire aider d’un professionnel pour défendre vos droits à des indemnités justes. Naturellement, il se pourrait que ni la compagnie d’assurances ni le tribunal ne prenne en compte l’inflation. Votre avocat, en jouant sur cette marge-là auprès du tribunal, vous permet de ne pas être perdant(e) face à cette augmentation du coût de la vie.
L’exception à la règle
Oui, il existe toujours un cas particulier. Ici, il s’agit d’un cas extrêmement rare. Celui d’une victime grande traumatisée crânienne ou tétraplégique, qui aurait des difficultés à gérer son argent des suites de l’accident. Cette personne touchera des indemnités conséquentes. Et le tribunal va choisir de lui en verser une partie sous forme de rente. S’il s’agit d’un accident de la voie publique, cette rente sera en indexée annuellement, en principe, non sur l’inflation directement mais en fonction d’arrêtés publiés chaque année.
« Cela reste l’exception », insiste Me. Muller.
« Pourtant, j’ai entendu parler de taux d’intérêt et d’indemnisation »
Vous avez peut-être rencontré sur Internet des concepts comme « indexation indemnisation ». En effet, on peut parler d’indexation dans le dommage corporel, mais dans un cas bien précis. Celui des intérêts de retard en l’absence d’offre de l’assurance. (Dans le fond, donc, pas grand-chose à voir avec l’inflation).
La compagnie d’assurances a une obligation d’adresser une offre d’indemnisation à la fin du dossier. Pour un accident de voiture, par exemple, la compagnie doit formuler une offre définitive dans un délai de cinq mois après réception du rapport d’expertise.
Si elle ne le fait pas, elle s’expose à devoir des intérêts de retard, doublés en fonction du taux légal. Or, ce taux légal est réévalué tous les ans. C’est ce qui se rapproche de la notion d’inflation.
Prenons l’exemple d’une victime qui devrait percevoir une indemnité de 100 000€. L’assureur a dépassé le délai des cinq mois pour lui faire son offre. Il doit donc commencer à lui payer des intérêts de retard, au double du taux légal d’actuellement environ 3% (soit des intérêts de 6% par an). Imaginons qu’il tarde deux ans à formuler son offre. La victime pourrait percevoir jusqu’à 12 000€ d’intérêts, en plus du reste de ses indemnités.