Vous venez de recevoir le rapport d’expertise médicale de la compagnie d’assurance.
Vous savez que ceci est important. C’est souvent la première étape-clé pour la détermination du montant de l’indemnisation du préjudice corporel.
Or, vous avez le sentiment que tout a été sous-évalué. Vous pensiez vraiment pourtant que l’assurance se préparait à une réparation du préjudice subi bien supérieure. Pouvez-vous contester cette expertise mandatée par l’assureur tout(e) seul(e) ?
Contester un rapport d’expertise : ce dont on parle ici
Précisons bien les choses. Cet article ne traite pas du cas où la procédure judiciaire est déjà bien avancée et où le rapport d’expertise dont il est question est celui demandé par le juge. Il s’agit alors d’une expertise judiciaire.
Ce cas de contestation-là est un peu plus complexe et il a été traité dans cet article consacré à la contre-expertise judiciaire (pour bien comprendre la différence entre les deux types de rapports, on pourra lire aussi cet article).
Bien délimiter les choses
Le vocabulaire est en effet important. Retenez bien :
contre expertise médicale : il faut qu’il y ait déjà eu une première expertise médicale que l’on estime mal faite.
recours contre une expertise médicale : il s’agit de la procédure que l’on va engager contre une expertise médicale produite en justice. Tout dépend de la nature de l’expertise (par qui a-t-elle été mandatée ? )
contre- expertise médicale judiciaire : il s’agit d’une contre-expertise qui devra être demandée par le juge (si elle est judiciaire).
Tout ce qui est associé à ces termes (lettre de contre-expertise, modèle de contre expertise, courrier de contre expertise médicale, délai pour contre-expertise médicale) et que l’on trouve sur internet doit être compris en ayant en tête ces différences-clés : qui est à l’origine de l’expertise de départ ? Un juge (on est alors bien avancé dans la procédure) ?
Ou une assurance ? On est alors sans doute encore dans une tactique.
Une tactique ?
Nous parlons donc bien ici d’un cas de figure plus courant. Vous vous sentez déçu(e). Vous avez en effet le sentiment que le médecin qui vous a examiné(e) et à qui vous avez fait confiance vous a littéralement trahi(e).
Il est donc probable que ce rapport relève d’une tactique de négociation de la part de la compagnie d’assurance. Essayer d’aller vite et sortir tout de suite les grands mots (expertise, experts,…) pour vous faire accepter trop tôt un montant plus faible que celui auquel vous pouvez prétendre.
Il est donc possible que la première chose à faire pour vous soit de ne pas se laisser impressionner par tant d’autorité.
Ils auraient eu tort de ne pas essayer. Mais vous ne serez pas dupe.
Ce que vaut vraiment ce rapport
S’il ne s’agit pas d’un rapport d’expertise judiciaire, ce travail a été simplement demandé par l’assurance, pas par un juge. Il n’a pas la même valeur certes, il n’empêche qu’il s’apprête à être versé au dossier. Il faut donc étudier comment le travail a été mené.
Un rapport d’expertise digne de ce nom doit avoir été fait dans certaines règles.
Il y a un certain formalisme en matière d’expertise.
Ainsi, dans le rapport, l’expert (en général le médecin conseil de l’assurance) doit bien rappeler sa mission. Que lui a-t-on précisément demandé ? Dans quel contexte ?
Il doit avoir travaillé en homme de l’art, procédé à la constatation des faits (votre état de santé, s’il s’agit d’un médecin).
Expertise contradictoire ou pas ?
Avez-vous été invité à participer au travail d’un médecin-conseil mandaté par votre assurance ? Avez-vous été invité à donner votre avis sur le pré-rapport du médecin ?
Sans doute pas. C’est un autre indice pour bien vous assurer qu’il ne s’agit pas d’une expertise judiciaire, auquel cas le principe du contradictoire avec tout son formalisme doit être scrupuleusement respecté.
L’expertise mandatée par un assureur n’est qu’une demande d’avis de celui-ci.
Il n’y a rien de contradictoire là-dedans. Le contradictoire signifie que chaque partie est représentée ou assistée par un spécialiste et qu’elles peuvent donc discuter à armes égales pour se défendre.
Avis unilatéral
S’agissant donc d’un simple avis unilatéral, il n’y a aucune obligation de la part de l’assureur puisque ce rapport n’a pas vraiment de valeur. C’est juste un document qui vient s’ajouter à son dossier.
C’est pour ces raisons que le rapport du médecin conseil de l’assurance est si facilement contestable.
Dès l’instant où l’assureur s’en prévaudra, votre avocat s’empressera de le contester et demandera une expertise judiciaire, avec tout ce que cela implique.
Jeu de ping-pong.
Vous le percevez sans doute dans cette sorte de jeu de ping-pong auquel ressemble cette succession de conclusions-contestations. Le droit a particulièrement bien prévu les choses en matière d’indemnisation des victimes pour que celles-ci soient correctement défendues.
Résultat : c’est dans l’art de les impressionner par des documents et des expertises rondement menées que les organismes d’indemnisation (assurances, fonds de garantie, caisse d’assurance maladie, etc.) essaient d’échapper à leur obligation d’impartialité. C’est ainsi qu’ils font accepter aux victimes de conclusions hâtives.
Voilà pourquoi, il est souvent difficile de se défendre tout seul et de contester seul un document de ce type. Vous ne pouvez pas devenir expert vous-même ni avaler le Dalloz, le code des assurances, le code de procédure civile et le code de la sécurité sociale en quelques jours.
Il faut à vos côtés des compétences techniques, autant en droit des assurances qu’en droit de la santé, droit commercial et surtout droit du dommage corporel. Il vous faut aussi des compétences médicales.
Avoir son propre médecin expert
Entre autres choses, il est indispensable pour une victime d’accident de s’entourer de son propre médecin de victimes. Il faut faire contrepoids à celui de la compagnie d’assurance.
Souvent l’assurance, sous prétexte que ceci fait partie de vos garanties et que c’est gratuit va vous proposer un médecin de recours qu’elle va rémunérer elle-même.
Mon conseil : déclinez poliment cette proposition. Retournez-vous plutôt vers un cabinet d’avocat spécialisé en droit du dommage corporel et à un médecin-conseil de victimes indépendant des assureurs.
L’un des avantages d’avoir recours à un avocat spécialisé est que celui-ci travaille déjà avec des médecins-conseils spécialisés et expérimentés… et vraiment indépendants.
En travaillant avec un avocat spécialiste (et surtout un avocat qui est rémunéré au résultat), vous n’aurez pas à faire vous-même le travail de trouver un médecin expert de victimes digne de confiance.
Médecin + avocat
A eux deux, ils vont pouvoir vérifier que tous les postes de préjudices ont été pris en compte dans le processus d’indemnisation. La dimension médicale, psychologique (préjudice moral), familiale et surtout professionnelle. Que chaque examen médical a été bien fait. Tout est important pour pouvoir chiffrer ensuite.
N’oublions pas qu’il ne s’agit pas forcément de finir au tribunal ou en cour de Cassation. Il s’agira bien plutôt de trouver un terrain d’entente de façon amiable. Pour parvenir à une conciliation ou chaque partie trouve son compte, il faut d’abord montrer ses muscles. Se tenir prêt à demander une décision de justice.
Exhaustivité
L’expertise médicale se doit aussi d’être exhaustive. Ce dont a besoin la justice pour statuer, c’est de pouvoir comparer votre état de santé avant l’accident et après. Rien ne doit être oublié pour que la différence puisse être correctement évaluée. Afin que l’on puisse ensuite indemniser justement et procéder à un chiffrage correct.
Toutes les questions sont importantes. S’agissait-il d’un accident de la route ? Comment avez-vous été accidenté ? Y a-t-il traumatisme crânien ? Quelles sont les souffrances endurées ? Y a-t-il risque d’aggravation ?
Y-a-t-il un besoin en aide par tierce personne? Un retentissement professionnel? On peut en citer d’autres…
Votre avocat saura penser à tout.
En pratique
Lorsque j’interviens pour représenter quelqu’un, je demande tout simplement à l’assureur de mandater son médecin-conseil, et je l’informe que mon client sera assisté par un médecin-conseil dont je donne le nom et les coordonnées.
Ainsi l’assureur informe son propre médecin-conseil afin qu’il ait lui-même mission pour examiner la victime avec son confrère.
On gagne ainsi du temps et de la qualité dans l’expertise menée, puisque, dès le départ, elle va s’effectuer avec la représentation des deux parties concernées.
Pour comprendre comment demander une contre-expertise médicale, vous pouvez aussi consulter cet article.
Quelle que soit l’étape où vous en êtes dans votre processus d’indemnisation, si le sentiment que vous avez est que vous êtes un peu trop seul(e) pour affronter ces producteurs de rapports d’expertise, appelez-moi au plus vite.
2 Responses
Bonsoir,
Je souhaiterais avoir votre avis. J’ai été victime d’une chute à mon domicile, et ai été transportée à l’hôpital. Puis, j’ai été opérée du nez par un spécialiste dans une clinique privée.
J’ai fais appel à ma protection juridique, qui a fait sa procédure dans son coin sans rien me demander.
Un expert judiciaire a été désigné en référé et il a dit que mes problèmes de perte de goût étaient peut-être liés à un prétendu état antérieur.
J’ai demandé avec un avocat une contre-expertise devant le juge du fond. L’avocat a rédigé des écritures en réponse à l’adversaire pour demander en plus une provision. Le juge a rendu une ordonnance en disant que mes demandes de contre-expertise et de nouvelle demande de provision et d’article 700 étaient irrecevables car je ne demandais rien sur les conséquences dommageables de mon opération.
Que dois je faire ? L’avocat ne m’a rien dit.
Bonjour,
Merci pour votre commentaire.
Je ne comprends pas bien la motivation du juge. Il faut que vous en discutiez avec votre avocat.