Après un accident grave, la victime et ses proches peuvent souffrir de blessures invisibles que l’on aurait tendance à appeler « préjudice moral ». C’est même une pensée automatique qui survient alors que la victime travaille à s’en remettre : « dans mon cas, mon accident m’a causé un vrai préjudice moral ».
Et dans le cadre d’une procédure d’indemnisation, rien de plus naturel que de vouloir comprendre à combien peut se chiffrer ce préjudice moral. C’est justement là que cela ne va plus. Il est inchiffrable, du moins dans le sens où peut l’entendre une victime ou proche de victime. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne sera pas indemnisé ! Au contraire…
En disant « préjudice moral », vous pensez peut-être…
Dépression, anxiété, troubles du sommeil, solitude, vie familiale impactée, sentiment de tristesse voire d’abandon, dévalorisation de soi, perte d’enthousiasme, de la joie de vivre, de l’appétit… Vous englobez peut-être dans ce préjudice toute atteinte morale de la victime, en lien avec son accident.
C’est un raisonnement classique, que l’on observe dans la grande majorité des cas d’indemnisation du dommage corporel. La victime tend à séparer le physique et le psychologique lorsqu’elle parle de ses dommages subis. En réalité, séparer les choses ainsi a peut-être un sens au civil, mais aucun dans une procédure d’indemnisation du préjudice.
La bonne question à se poser
Techniquement, la première question à se poser quand on parle de réparation du préjudice moral, c’est : « préjudice d’une victime en vie ou préjudice lié au décès de la victime ? ». Et tout de suite après : « de qui parle-t-on ? De la victime ou d’un(e) proche ? ».
En effet, dans la procédure d’indemnisation d’une victime d’accident (accident de la route, accident du travail, accident de la vie, accident médical), le terme technique de « préjudice moral » recouvre une autre réalité. On parle en fait de « préjudice moral d’affection », et cela concerne en réalité les proches d’une victime décédée des suites de son accident, ou les proches d’une victime gravement blessée. Des proches qui souffrent moralement de cette disparition ou du handicap.
Si vous êtes vous-même victime de cet accident (ou agression), vous avez très certainement des souffrances morales à faire valoir… À condition de choisir le bon terme.
Si, par ailleurs, vous êtes le ou la proche d’une victime décédée à la suite d’un accident ou agression, vous pouvez contacter directement le cabinet Hadrien Muller pour vous faire épauler.
« Préjudice moral » : le terme fantôme
La procédure pour indemniser une victime d’accident ou d’agression passe par la reconnaissance des préjudices subis. Préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, préjudices corporels et moraux. Néanmoins, un terme dans cette liste n’est pas officiel : celui de « préjudice moral ».
En effet, pour indemniser une victime, la compagnie d’assurance s’appuie sur un dossier complet qui inclut notamment le rapport d’expertise médical. Celui-ci, dressé par le médecin expert (après consolidation de l’état de santé de la victime), établit et évalue les préjudices dont souffre la victime en question.
Pour cela, l’expert s’appuie entre autres sur la Nomenclature Dintilhac qui liste les postes de préjudices à reconnaître (et indemniser).
Or, cette liste ne fait pas mention d’un préjudice moral. Il ne s’inscrit ni dans un vocabulaire d’expert médical, ni dans un vocabulaire juridique. Et pourtant… Il existe !
Que recouvre donc le préjudice moral ?
Pour comprendre ce dont on souffre, il faut pouvoir y apposer les bons termes. Et, pour cela, entrer dans les détails. C’est justement pour cela que le « préjudice moral » n’existe pas en tant que tel.
Pour rendre les choses plus concrètes, prenons un exemple. Une femme accidentée en moto qui a perdu l’usage d’une jambe, et se voit contrainte à réadapter toute sa vie. Béquilles, fauteuil roulant, perte de son travail pour un temps et difficultés à retrouver un poste équivalent… Moralement, les conséquences de l’accident pèsent lourd pour elle.
Or, si elle pouvait se faire indemniser au titre d’un seul et même « préjudice moral », elle recevrait une somme globale pour ses peines et ses souffrances… Et ça s’arrêterait probablement là.
Mais en réalité, ses souffrances morales recouvrent plus de préjudices qu’il n’y paraît. Elle souffre de se voir diminuée physiquement, d’une forme de dépression liée à ce nouveau déclassement social (arrêt voire perte de travail, éloignement de son milieu social, perte de relations) ; elle a souffert de la solitude à l’hôpital, elle souffre désormais de ne plus pouvoir pratiquer un sport collectif qu’elle aimait, ou jouer avec sa fille… Et toutes ces atteintes morales sont liées à des postes de préjudices très divers. Séquelles psychologiques de l’accident, souffrances endurées (anciennement « pretium doloris »), incidence professionnelle, préjudice d’agrément…
L’intérêt de détailler à ce point ces atteintes morales est de parvenir, à travers elles, à nommer les réalités dont elles découlent. Ces réalités correspondent à des postes de préjudices reconnus, identifiables et qui peuvent être chiffrés pour obtenir une indemnisation.
Faire reconnaître vos souffrances plutôt qu’un préjudice « fourre-tout »
Pour la victime, il est donc essentiel de comprendre qu’elle souffre de diverses affections liées à son accident. Plutôt que de vouloir tout rassembler en un poste de préjudice global (qui n’existe pas dans les textes), il est plus intéressant de détailler tout ce qui ne va pas.
En établissant cette liste avec un professionnel (avocat spécialisé dans le droit du dommage corporel), il pourra mettre le doigt avec vous sur tous ces changements intervenus dans votre vie, toutes les souffrances actuelles et prévisibles, et monter un dossier qui détaille le tout et vous assure une juste indemnisation. Ce dossier, présenté à un juge au tribunal ou en cour d’appel, vous permettra d’obtenir une réparation des préjudices très largement supérieure à celle que vous aurait proposé un assureur.
Il est naturellement difficile de chiffrer une souffrance morale. Il est en revanche plus facile de le faire en démontrant dans votre dossier tout ce qui peut justifier cette souffrance. Autrement dit, sachez que le moral touche un peu à tout, et qu’il ne peut pas s’indemniser seul.
Aussi, ne perdez pas votre énergie à vouloir prouver vous souffrances en une fois. Contactez un avocat spécialisé dans le préjudice corporel qui prendra le temps de vous écouter et de lire dans votre récit ce qui constituera des postes de préjudices à défendre.
Une réponse
On ne peut surement pas se défendre seul aussi bien qu’avec l’aide d’un avocat spécialisé qui saura mettre en valeur des éléments qu’on aurait soi-meme oubliés, et qui connait les codes de la profession.