Hadrien Muller, avocat préjudice

Avocat spécialisé en préjudice corporel

Diplômé en évaluation des traumatismes crâniens

À qui s’adresse vraiment le barème AIPP 2019 ?

Table des matières

L’incertitude et l’attente peuvent être un réel fardeau quand on est victime d’un accident. Entre les diagnostics médicaux qui tombent au compte-goutte, le temps de la consolidation, les promesses de l’assureur… Il est normal d’avoir envie de se rassurer. C’est pour cela que les victimes vont souvent chercher le barème AIPP (ou souvent AIPP 2019 ou encore barème ipp 2019) : pour trouver une réponse à leurs interrogations sur l’avenir.

Le problème de cette démarche, est que ce barème de l’AIPP 2019, ou de quelque année que ce soit, n’est pas fait pour les victimes. D’ailleurs, à l’heure où nous mettons à jours ces lignes, il n’existe plus.
Les professionnels font appel à d’autres outils.

Le second problème est que ce type de barème est aussi mal compris, et qu’il risque en réalité d’induire la victime en erreur.

De quoi parle-t-on : qu’est-ce que le barème de l’AIPP 2019 ?

L’AIPP, pour commencer, est l’acronyme de l’atteinte à l’intégrité physique et psychique. Aujourd’hui, on parle plutôt de déficit fonctionnel permanent, ou DFP, et de son barème.

Ce nom recouvre les séquelles de l’accident corporel qu’a subi la victime directe (accident de la route, accident de circulation, accident de la vie courante, accident médical, agression, etc.).

C’est à l’expert médical, au moment d’examiner la victime (état de santé consolidé), d’évaluer et chiffrer l’ampleur de ce déficit ainsi que les incapacités engendrées. Il se sert pour cela du barème du concours médical.

Suite à ceci, l’assureur s’appuie sur la valeur du point du barème AIPP 2019 pour calculer le montant de l’indemnisation de ce déficit en fonction des cas.

Comment fonctionne ce barème ?

En théorie, c’est très simple. Du moins, selon la théorie des grilles distribuées sur Internet et des simulateurs censés vous donner une réponse chiffrée à la question « combien vais-je être indemnisé(e) pour mes dommages corporels ? » (ou « à combien ai-je vraiment droit ? » si vous n’êtes pas satisfait(e) de la proposition de la compagnie d’assurances).

Il est tentant pour la victime de raisonner comme suit :

  • Le médecin expert m’a attribué  un taux de 20% de déficit pour tel dommage subis dont j’ai été victime,
  • Dans la grille du barème, je vois que ce pourcentage, à mon âge (43 ans), correspond à 2000€ (ce n’est pas le chiffre officiel, ce chiffre n’est là que pour donner un exemple de la façon de se servir d’un barème).
  • Je multiplie donc 2000€ par les 20 points d’AIPP (correspondant au 20%) et j’obtiens le montant de mon indemnisation.

Si vous en êtes là, vous avez un problème.

Quelle est la vraie valeur du point d’AIPP ?

C’est la question qui change tout.

La question à laquelle on ne peut pas répondre par un chiffre rassurant. En effet, la valeur du point AIPP correspond au montant financier que l’on attribuera à un certain taux de déficit. Mais il y a ici plusieurs variables cachées que vous n’avez peut-être pas considérées.

  • L’évaluation même du taux par un médecin expert peut parfois être contestée. Était-il accompagné d’un sapiteur pour évaluer un domaine spécifique ? Avez-vous pu exprimer toutes vos souffrances et bouleversements dont vous avez été ou êtes victimes?
  • Si le préjudice extrapatrimonial a été sous-évalué, tous les postes qui en découlent le seront aussi. Donc le besoin d’aide par tierce personne, l’incidence professionnelle, notamment.
  • Cet examen d’expertise a-t-il bien été réalisé après votre consolidation ? Après un épisode traumatique, la consolidation peut être difficile à établir avec certitude, notamment pour les troubles psychiques (pertes de mémoires, ou stress post-traumatiques par exemple).

Par ailleurs, au moment de faire les calculs de vos préjudices, vous avez peut-être additionné des pourcentages qui ne s’additionnent pas… En réalité, passer de l’examen médical à un déficit chiffré, puis à des indemnités n’est pas un calcul automatique que vous pouvez faire vous-même. Loin de là…

À qui sert vraiment ce barème AIPP 2019 ?

Ces barèmes ne sont pas faits pour être manipulés par une victime d’accident corporel, ils sont employés par les experts de l’indemnisation ainsi que les tribunaux dans leur travail d’évaluation des préjudices de cette dernière.

Pourquoi ne pouvez-vous pas vous faire une idée approximative des montants de l’indemnisation de votre accident ? D’abord parce que, comme vous l’avez déjà compris, l’évaluation du DFP est subjective, et pas toujours faite en votre faveur. Ensuite, parce que ces barèmes sont juste indicatifs et non contraignants. C’est-à-dire qu’ils servent d’appui dans un dossier d’indemnisation, et chaque spécialiste est libre de les interpréter au cas par cas.

Autrement dit, entre l’assurance, l’avocat et le juge au tribunal, et selon la jurisprudence de votre cour d’appel (différente de la cour d’appel voisine), votre dossier sera filtré par divers barèmes et tous les intervenants n’utiliseront pas le même ni de la même façon pour déterminer comment vous indemniser.

Ce que prouvent les faits

Il est d’ailleurs intéressant d’étudier la différence entre ce que disent les référentiels et ce que décident les juges, en matière d’indemnisation du préjudice corporel.

Que l’on comprenne la situation qui est évoquée ici :
il s’agit des cas d’indemnisation qui finissent devant les juges, ou la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi – voir aussi cet article). Ce ne sont donc pas tous les cas, mais seulement ceux où l’on n’est pas parvenu à se mettre d’accord lors de négociation. Ils ne représentent donc qu’une petite partie des indemnisations.
Dans ce type de situation, les parties demandent donc aux juges de trancher.Les juges s’appuient donc sur divers référentiels, qui eux-mêmes s’appuient sur des barèmes tels que le barème DFP.
Christophe Quézel-Ambrunaz, Professeur à l’Université Savoie Mont Blanc, Centre de recherches en droit Antoine Favre, membre de l’Institut Universitaire de France, a réalisé une étude intéressante, à partir de 307 décisions de justice.
Il démontre les effets pervers des référentiels. Les juges ont fortement tendance à suivre les référentiels car les avocats des victimes ont eux-mêmes tendance à se baser sur les référentiels, ce qui n’est pas logique. Tout se passe comme si les plaidants s’accrochaient eux-mêmes à ces référentiels et présentaient des analyses insuffisamment personnalisées. Comme s’ils n’osaient pas demander plus, faute d’avoir suffisamment travaillé leurs propres demandes.

Et ce, alors même que les juges sont prêts à écouter. « En tout état de cause,  note Christope Quézel-Ambrunaz, une demande excédant le calcul du référentiel ne semble pas avoir fréquemment d’effets adverses, en ce sens qu’il est très rare que les juges allouent moins que ce qu’offrirait le référentiel, alors qu’une somme plus conséquente était demandée. »

Dit autrement, le référentiel semble être trop souvent une solution de facilité pour les professionnels qui accompagnent les victimes et qui ne sont pas suffisamment spécialisés dans le domaine du préjudice corporel. Ils ne sont pas forcément habitués à repérer là où il faut demander plus, voire beaucoup plus que ce qu’indiquent a priori les référentiels.

S’il ne sert à rien de demander trop (il y a quand même des cas où les juges accordent moins de la moitié du référentiel), il est donc clair qu’un dossier bien analysé, par un avocat spécialiste du dommage corporel, permette d’obtenir en général bien plus que le référentiel.

Ce qui prouve encore que ces référentiels ne doivent surtout pas être conçus comme une sorte de cote, consultable sur internet, et qui traiterait chacune de vos blessures avec un chiffre unique en face. Vous n’êtes pas une voiture d’occasion.

Vous êtes une personne dont la situation mérite une analyse fine et détaillée.

La façon dont les barèmes interviennent intéresse surtout les professionnels dont la mission est d’évaluer correctement votre déficit fonctionnel permanent.

Voici un article détaillé pour mieux comprendre comment fonctionne cette question de déficit fonctionnel permanent et son évaluation.


Autres questions …

… souvent posées à propos de l’indemnisation aipp




Quelle est la définition de l’aipp ?

L’aipp (atteinte à l’intégrité physique et psychique) est une notion juridique utilisée en droit français pour évaluer le préjudice subi par une personne à la suite d’un accident ou d’une agression.

L’AIPP est définie comme le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de la victime. Elle est évaluée par un médecin expert, qui examine les séquelles de l’accident ou de l’agression sur la santé de la victime et leur impact sur sa vie quotidienne.

Comment calculer son AIPP ?

Le calcul de l’AIPP (Atteinte à l’Intégrité Physique et Psychique) doit être effectué par un médecin expert qui examine les séquelles de l’accident ou de l’agression sur la santé de la victime. Le médecin évalue les différentes atteintes physiques et/ou psychiques de la victime en les classant selon la nomenclature Dintilhac, qui est une grille d’analyse des déficiences et incapacités.

Les experts médicaux se basent sur le « barème du concours médical », qui est un barème informatif (non obligatoire) proposant des grilles d’évaluation par type de séquelle. Une évaluation, ou une fourchette d’évaluation, sera proposée pour chaque type de lésion, pour toutes les parties du corps humains (par exemple, ophtalmologie, psychiatrie, cardiologie, orthopédie…).

L’expert devra ensuite proposer un pourcentage unique global pour l’ensemble des séquelles.

Comment chiffrer préjudice moral ?

Le préjudice moral est une souffrance psychologique causée par un préjudice corporel ou un dommage moral. Le chiffrage du préjudice moral est difficile en raison de son caractère subjectif, car il est difficile de quantifier la douleur et la souffrance d’une personne.

En France, pour chiffrer le préjudice moral (on dit aussi parfois préjudice psychique), des critères tels que l’importance des souffrances endurées, la durée de celles-ci, la perte de qualité de vie, la détresse psychologique, les conséquences sur les relations sociales et familiales, sont pris en compte. Pour avoir une réponse plus détaillée à cette question, lire notre article sur le sujet.

Comment indemniser une victime ? Sur quels principes cela se fonde-t-il ?

L’indemnisation d’une victime d’un préjudice corporel en droit français repose sur plusieurs principes juridiques fondamentaux, notamment la réparation intégrale, les principes de la responsabilité civile, et l’égalité devant la loi. La réparation intégrale signifie que la victime doit être indemnisée de tous ses préjudices, matériels et immatériels. Les principes de responsabilité civile permettent de déterminer si la victime peut obtenir réparation, et auprès de quel responsable. L’égalité devant la loi garantit une indemnisation équitable pour toutes les victimes.

Pour indemniser une victime, deux modalités de versements des indemnités sont prévues : le capital (une indemnité en un seul versement) ou la rente (une indemnité sous forme de versements périodiques, par exemple tous les mois ou tous les trimestres). Le capital sera généralement choisi par la victime, mais pour les montants importants, et si la victime n’est pas en état de pouvoir gérer seule son argent (notamment pour les victime de traumatisme crânien grave), le choix du versement partiel sous forme de rente s’impose dans certaines situations, pour protéger la victime fragile.

Quelle indemnisation pour un accident de la route ? Comment cela se passe-t-il en France ?

En France, en cas d’accident de la route, l’indemnisation des victimes peut se faire par le biais de différents régimes d’indemnisation, en fonction de la gravité de l’accident et des circonstances de celui-ci.

Si l’accident a été causé par un tiers, l’indemnisation des victimes est généralement prise en charge par l’assurance responsabilité civile du tiers responsable. Cette assurance couvre les dommages matériels et corporels causés aux victimes. Les victimes peuvent donc demander une indemnisation à l’assureur du tiers responsable, en fournissant des justificatifs de leur préjudice.

Si l’accident a été causé par un conducteur non assuré ou non identifié, les victimes peuvent être indemnisées par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages (FGAO). Le FGAO a pour mission de garantir la réparation des préjudices subis par les victimes d’accidents de la circulation lorsque le responsable est inconnu ou non assuré.

Enfin, pour les victimes d’un accident de la voie publique à l’étranger pouvant prouver que cet accident a pour origine une infraction pénale, la victime peut bénéficier d’une indemnisation par le Fonds de Garantie des Victimes d’Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions (FGTI). Le FGTI a pour mission de garantir une indemnisation aux victimes d’infractions. La victime doit alors saisir la CIVI (commission d’indemnisation des victimes d’infraction).

Comment se calcule un taux d’IPP ?

Voir le paragraphe « comment calculer son AIPP ? ». C’est le même sujet, IPP signifiant bien « intégrité physique et psychique).

Comment calculer les préjudices ?

Le calcul des préjudices subis par une victime d’un accident ou d’une infraction est complexe et dépend des circonstances de chaque cas. Le principe de réparation intégrale doit guider l’indemnisation. La victime doit être indemnisée de l’ensemble de ses préjudices, matériels et immatériels, afin de se rapprocher au maximum de l’état dans lequel elle se trouvait avant le préjudice.

Toutes les victimes doivent être indemnisées de manière équitable, en fonction des mêmes règles.  Les préjudices peuvent être évalués en fonction des justificatifs fournis par les victimes. Les préjudices patrimoniaux sont parfois complexes à indemniser, mais ils sont plus objectifs, contrairement aux préjudices extra-patrimoniaux. Le calcul des préjudices se fait à réception du rapport final d’expertise médicale.

Comment se calcule une ITT ?

L’ITT (Incapacité Temporaire Totale) correspond à la période durant laquelle la victime d’un accident ou d’une infraction n’a pas pu exercer son activité professionnelle habituelle ou une partie de celle-ci. Le calcul de l’ITT est généralement effectué par un médecin expert.L’ITT n’est pas indemnisable. C’est une notion pénale qui permet de déterminer la gravité de l’infraction commise par le responsable du dommage. Ainsi, si le dommage subi par la victime a été évalué dans le cadre pénale comme étant inférieur à 8 jours d’ITT, la sanction du responsable ne sera pas la même que si la victime a subi 150 jours d’ITT, par exemple.

Qu’est-ce que le déficit fonctionnel permanent ?

Le déficit fonctionnel permanent (DFP) correspond à la perte ou à la limitation permanente des capacités physiques ou mentales d’une personne à la suite d’un accident ou d’une infraction. Le DFP correspond à peu près à la même définitifion que l’AIPP (Atteinte à l’Intégrité Physique et Psychique). Voir cet article détaillé.

On constate que le DFP est un terme désormais plus utilisé que l’AIPP, qu’il a remplacée.

En pratique, contrairement à l’ITT (Incapacité Temporaire Totale), qui est une notion pénale temporaire n’évaluant pas le préjudice, le DFP correspond à des atteintes permanentes et irréversibles sur le plan physique ou psychique.

Le DFP peut affecter différentes fonctions de l’organisme, telles que la mobilité, la vision, l’ouïe, la parole, l’équilibre, la mémoire, la concentration, etc. Le médecin expert va évaluer l’importance et l’impact de ces atteintes sur la vie de la victime, afin de déterminer le pourcentage de DFP.

Le pourcentage de DFP va ensuite être pris en compte pour déterminer le montant de l’indemnisation versée à la victime pour son préjudice corporel. 

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Maître Hadrien MULLER

Avocat en préjudice corporel - Diplômé en évaluation des traumatisés crâniens
Maître Hadrien Muller est avocat au barreau de Paris. 
Il intervient pour la défense des victimes d’accident corporel en région parisienne et dans toute la France.

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