Vous venez d’être victime d’agression ou d’accident ? Vous vous demandez quelles sont les possibilités d’indemnisation correspondant à votre préjudice ? Mais de quel type de préjudice parle-t-on ? Pour vous repérer dans la nuée de termes juridiques qui vous attendent dans l’univers complexe des techniques d’indemnisation, il faut que vous organisiez les choses dans votre esprit.
Tout d’abord, il faut que vous puissiez classer les différents préjudices que vous avez subis (il y en a sans doute plusieurs) par « type » de préjudice. Notamment pour ce qui concerne les préjudices moraux, très particuliers. Pour en savoir plus sur les préjudices moraux, nous vous invitons à voir cet article où nous expliquons comment les chiffrer.
Afin de savoir si oui ou non, vous vous sentez concerné(e), voici une première façon d’organiser sa réflexion.
Ne cochez pas toutes les cases
Attention ! Ce n’est pas parce que vous répondez « non » ou « oui » à chacun des items de la nomenclature Dintilhac (ci-après) que vous avez forcément raison de le faire. Un avocat spécialiste pourra vous démontrer, parfois, que :
- « oui, vous êtes concerné(e) alors que vous ne le supposiez pas » ;
- à l’inverse, « même si vous êtes concerné(e) par ce poste de préjudice, tout miser sur ce sujet n’en vaut vraiment pas la peine, compte tenu de ce que vous avez à vous faire indemniser sur d’autres postes, plus stratégiques dans votre cas ».
Autrement dit, ne prenez pas ce qui suit comme un vade-mecum définitif, un petit guide du préjudice corporel pour néophytes. Cet article est destiné à vous aider à comprendre les choses, mais pour obtenir l’indemnisation juste, rien de mieux que de se faire accompagner.
Mais d’abord, qu’est-ce qui est considéré comme une agression ?
Une agression est considérée comme un acte violent, brutal et soudain commis par un individu à l’encontre d’un autre, avec l’intention de blesser.
Quels sont les différents types d’agression ?
- Agression physique : Ce type d’agression englobe les coups et blessures ou toute autre forme de préjudice corporel infligé à la victime. Ce préjudice physique peut entraîner des séquelles durables et nécessiter une indemnisation spécifique.
- Agression sexuelle : Il s’agit d’un préjudice grave, caractérisé par une atteinte sexuelle commise sans le consentement de la victime. Ce préjudice est souvent accompagné de menace, contrainte, violence ou surprise, et ne nécessite pas forcément de pénétration. Le préjudice résultant de l’agression sexuelle est spécifiquement défini dans le Code Pénal, notamment à l’article 222-22.
- Agression verbale : Cette forme d’agression peut se manifester par écrit ou oralement, et se divise en trois catégories principales de préjudice : l’injure, la diffamation et la menace. Chaque catégorie représente un type de préjudice verbal distinct, ayant des implications juridiques spécifiques pour la victime.
Reprenons maintenant. Si vous êtes victime d’un accident ou d’une agression, plusieurs types de dommages peuvent survenir : dommages physiques, matériels et moraux. Le préjudice est en fait un dommage qui a été évalué et peut être indemnisé.
En tant que victime, vous pouvez peut-être identifier une partie des dommages que vous avez subis. Mais les préjudices qui y correspondent, eux, sont l’apanage des experts. Ils ont été listés il y a plusieurs années dans cette fameuse nomenclature Dintilhac, et classés en deux types. Ce sont les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, eux-mêmes divisés en temporaires et permanents. Vous avez sûrement déjà croisé certains de ces termes, comme…
Frais divers
Ce poste doit indemniser les frais avancés par la victime avant la consolidation de son état de santé (préjudice temporaire). Soit les dépenses en consultation de médecins et experts pour se guider dans son parcours d’indemnisation, ou encore les frais d’organisation exceptionnelle due à sa nouvelle situation traumatique. Les frais divers incluent par exemple les transports, mais pas l’aménagement du domicile, qui est un poste à part.
Dépenses de santé
Dépenses actuelles ou futures, ce sont les coûts (hors sommes remboursées par un organisme social) des hôpitaux, médicaments, pharmacies, soins, traitements divers suite à l’accident ou l’agression. Parmi les postes de dépenses futures, on peut retrouver certaines dépenses nécessaires en cas de handicap permanent après consolidation (mais pas les aides techniques comme l’appareillage, les prothèses, etc., qui sont un poste à part).
Pertes de gains professionnels
Avant consolidation, ce poste de préjudice tient seulement compte des revenus perdus par la victime dans cette phase de consolidation. Ce poste de préjudice est double : lorsqu’on le considère comme permanent, il peut aussi prendre en compte les revenus qu’aurait perçus la victime sans cet accident.
Exemple de préjudice de type « perte de gains professionnels » :
C’est l’histoire de Mme X…, qui a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès d’une société d’assurance. Dans cette suite de jugements (dont le pourvoi en cassation permet de retracer l’historique), on voit que Mme X… a été indemnisée et que, invoquant une aggravation de son état, elle a demandé un complément d’indemnisation et l’application du barème de capitalisation. On y note bien un poste de « perte de gains professionnels actuels », évalué ici à 40 560 euros. Mais on y note aussi un poste de « perte de gains professionnels futurs », calculé en tenant compte de la perte de son emploi de médecin et également de son manque à gagner à la retraite, soit une somme environ trois fois supérieure.
Incidence professionnelle
Ce poste est complémentaire du précédent. Il reconnaît la dévalorisation de la victime sur le marché du travail, sa perte de chance professionnelle, les frais de formation, de reclassement, etc..
Il tient compte également la pénibilité accrue au travail que subit la victime.
Préjudice scolaire, universitaire ou de formation
De même qu’une victime peut perdre ses chances professionnelles, ses chances de poursuivre une scolarité ou une formation risquent aussi d’être réduites. On peut donc demander à indemniser le retard subi, ou l’interruption de sa scolarité due au traumatisme ou au handicap laissé par l’accident.
Déficit fonctionnel permanent
Le déficit fonctionnel permanent est le point central de l’indemnisation des victimes. C’est ici que l’on va tenir compte de tous les déficits physiques et psychiques. Pour bien comprendre à quoi il correspond, on vous explique ici ce qu’est le déficit fonctionnel permanent.
Exemple de déficit fonctionnel permanent :
Reprenons l’exemple de Mme X…. Les jugements séparent bien le déficit fonctionnel temporaire (« l’indemnisation de l’invalidité de la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique ») et le déficit fonctionnel permanent. Pour ce dernier, voilà ce que précise la Cour : « il s’agit de l’incidence sur les fonctions du corps de la victime dans sa sphère privée, réduction du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques. Ce poste inclut les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales ».
Préjudice esthétique
C’est un poste de préjudice important et toujours défendu. Le préjudice esthétique doit réparer les atteintes à l’intégrité physique de la personne. On doit donc mettre un prix sur une cicatrice ou une déformation qui peut impacter la victime sur le plan esthétique.
C’est en général un préjudice très visible, donc l’un des plus faciles à évaluer.
Exemple de préjudice esthétique
Nous sommes toujours dans la même affaire, évoquée plus haut. Elle nous intéresse car elle permet de reconstituer l’historique à travers l’arrêt de la Cour de cassation. On note cette fois que les juges ont retenu aussi un « préjudice esthétique permanent ». Il est en effet considéré que cette altération était permanente et pouvait affecter la vie sociale et professionnelle de la personne, entraînant ainsi un préjudice esthétique. Ce caractère permanent a été pris en compte pour fixer le montant de l’indemnisation accordé. Soit ici, au final, 3500 euros.
Préjudice sexuel
Ce poste vise à réparer à la fois l’atteinte physique aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel (perte de plaisir, sensibilité, libido, etc.) et l’incapacité ou difficulté à procréer.
La liste est encore plus détaillée par la suite, mais vous n’avez pas besoin de connaître tous ces postes vous-même. Si vous avez des difficultés à comprendre l’indemnisation à laquelle vous devez avoir droit, c’est parce que c’est un univers de spécialistes. N’hésitez pas à vous faire clarifier les choses par votre avocat, au besoin.
Préjudices moraux (pretium doloris, etc.)
Les dommages moraux sont, en matière de préjudice corporel, ce que l’on appelle aussi la souffrance endurée ou pretium doloris. Ils sont de fait attachés à la blessure physique. D’ailleurs, ces souffrances endurées sont systématiquement évaluées lorsqu’il y a des blessures. C’est la souffrance physique et psychique.
En effet, le dommage corporel entraînera généralement une cassure dans la vie personnelle et sociale de la victime. Sa qualité de vie est diminuée.
Souvent, la détérioration de l’esthétique corporelle est également une cause de préjudice moral conséquent. Dans le cas d’une défiguration suite à une agression ou un accident, les séquelles psychiques et émotionnelles sont à supporter définitivement par la victime. Le préjudice est alors à la fois corporel et moral.
Préjudices moraux avec stress et dépression (qui s’aggravent au fil du temps)
Ils concernent généralement des victimes d’accidents ou d’agressions et de viols. Les victimes peuvent l’appeler « syndrome d’épuisement », « le crash » ou « le syndrome du traumatisme ». Il s’agit d’une blessure comme tout autre type de blessure physique, qui prend du temps à guérir.
Certaines blessures graves impliquent également des dommages psychologiques appelés syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Ils provoquent notamment des flashbacks et des cauchemars résultant d’un événement qui a mis en danger la vie du survivant, sans que celui-ci en soit responsable.
Préjudices indirects (ceux qui touchent vos proches : victimes par ricochet)
Les dommages indirects surviennent lorsqu’une personne n’est pas directement impliquée dans un accident ou une agression. Ce type de dommages peut être difficile à identifier au début, même s’ils se produisent immédiatement. Une victime indirecte peut par exemple subir une perte directe de revenus.
Ce type de préjudice peut être difficile à prouver, surtout si la victime n’est pas un membre de la famille. Dans tous les cas, il faut que son préjudice soit lié à celui d’un de ses proches qui, lui, est la victime de l’accident ou de l’agression.
Les victimes indirectes peuvent par exemple ressentir du stress en raison du préjudice physique et émotionnel subi par leur proche (victimes directes). La réorganisation de la vie de la victime qu’elles accompagnent peut totalement bouleverser l’organisation de leur propre vie. On peut alors parler de troubles dans les conditions d’existence.
Dans certains cas (plus rares), les victimes par ricochet peuvent être des personnes morales (associations, entreprises…). Par exemple, à la suite d’un accident impliquant l’un des salariés, une entreprise peut subir d’importantes pertes si le salarié devient invalide alors qu’il occupait un poste-clé (notamment stratégique ou commercial) dans l’organisation. La personne morale pourra alors être considérée comme victime par ricochet. Il en est de même pour une association dont le président bénévole ne peut plus continuer son travail suite à un accident. Dans les deux cas, la personne morale est en mesure de réclamer une indemnisation en tant que victime par ricochet.
Notez bien qu’on parle de victime indirecte quand la personne n’a pas subi directement le préjudice de l’événement.
Remarquez aussi qu’une personne peut être directement impactée par un événement, alors qu’elle n’en était pas, apparemment, la victime directe. (On parle ici d’un stress spécifique lié au traumatisme de l’accident ou de l’agression.)
Un exemple pour y voir plus clair : c’est le cas du témoin d’un crime ou d’un attentat. S’il n’a pas été blessé lui-même, il peut néanmoins souffrir de crises d’angoisse ou de culpabilité. Il s’agit alors d’une victime directe, même si elle n’a fait que voir la scène. Celui qui voit des gens se faire tuer, comme ce fut, par exemple, le cas avec les témoins de l’attentat au Bataclan, subit bien un préjudice direct.
Conclusion
Malgré le fait que l’obtention d’une indemnisation semble facile et systématique, la réalité est souvent plus complexe. La véritable clé pour être indemnisé à la hauteur du préjudice que l’on a réellement subi est d’avoir une bonne stratégie. Il s’agit de se battre sur les postes de préjudice qui correspondent à votre situation, de n’en oublier aucun, de savoir les identifier et de savoir organiser les priorités en fonction de quantité de facteurs.
Notamment le facteur temps.
Cette stratégie-là, seul un avocat spécialiste du dommage corporel et du droit civil peut vous aider à la construire et vous aider à passer à l’action.
Prenez contact avec nous pour obtenir les meilleurs conseils et vous armer de la meilleure stratégie pour obtenir l’indemnisation à laquelle vous avez droit.